A propos d’un suspect d’attentat à la bombe et des rapports avec Suruç
La commission d’enquête, réunie sous la présidence de Veli Ağbaba, vice-Président du CHP (parti démocrate) a annoncé qu’une audition du responsable présumé de l’attentat à la bombe du 5 juin avait été faite ( meeting de HDP à Diyarbakır, lors de la dernière campagne électorale — 4 morts et plus de 400 blessés).
Le suspect Orhan Gönder, détenu à la prison de Sincan à Ankara, refuse catégoriquement l’accusation. Par ailleurs sa famille a fait une déclaration précisant qu’ayant constaté un changement de comportement chez le jeune et n’ayant pas réussi à le convaincre pour revenir à la raison, ils avaient prévenu les autorités : « Notre enfant a changé, il est devenu sympathisant du Daech, prenez des précautions.» La famille a contacté la police, les services de lutte contre le terrorisme ainsi que le MIT (renseignements). Ils ont même pu s’entretenir avec le Premier Ministre pour lui en faire part. Les membres de famille sont allées à la porte frontalière Akçakale pour chercher le jeune. Malgré cela, Orhan a réussi à passer la frontière, joindre Daesh, revenir, et se rendre au meeting du HDP. Il a finalement été arrêté et accusé d’avoir posé la bombe.
La famille questionne « Pourquoi toutes les unités de sécurité, alors que prévenues, n’ont pris aucune mesure ? Comment notre enfant qui était en principe sous le contrôle du MIT a‑t-il pu commettre ce crime ? Puisqu’aucune mesure n’a été prise, on peut se demander si cet attentat n’a pas été couvert en toute conscience ? ».
Après l’attentat de Suruç, les médias turcs relayaient l’information sur les liens entre le kamikaze de l’attentat de Suruç et Orhan Gönder. Les deux jeunes ont rejoint le Daesh dans la même période. Ils fréquentaient le même café dans la ville d’Adıyaman : « İslam Çay Ocağı » (Foyer de thé Islam) connu comme point chute des sympathisants de Daesh.
La famille d’Orhan affirme également qu’à plusieurs reprises, ils ont cherché le jeune dans ce café et prévenu les autorités sur la nature de ce lieu en demandant sa fermeture.
Les habitants du quartier témoignent, et décrivent le café « Les murs étaient tapissés d’affiches et de drapeaux de Daesh et le deuxième étage était transformé en mosquée. » En 2014, suite aux plaintes du voisinage, puisqu’il enrôlait les jeunes pour Daesh, le café a été contrôlé et fermé pour motif “absence de licence”.
Adıyaman est connue comme une ville qui héberge des « cellules dormantes » de Daesh. Les sources de la Sécurité de l’Etat déclarent estimer leur nombre à 80, les habitants estiment plus de 200.
Une fois de plus, le MIT se trouve avoir laissé faire.
Figen Yüksekdağ, co-Présidente du HDP accusée de propagande terroriste
Une enquête à l’encontre de Figen Yüksekdağ, co-Président du HDP été ouverte pour « prosélythisme pour le compte d’une organisation terroriste ».
Figen répondait dans un discours le 19 juillet, au retour des rencontres de Kobanê aux propos d’Erdogan du 17 juillet, accusant le HDP de servir le PKK : « On ne peut pas négocier avec ceux qui s’adossent à une organisation terroriste »
“Vous savez très bien ce qu’ils disent à l’encontre du HDP : Il est adossé à une organisation terroriste.… Ecoutez, je réponds encore une fois, pour ceux qui ne comprennent pas, ceux qui refusent de comprendre. Nous nous adossons à Rojava, nous nous adossons à Kobanê, nous nous adossons à ceux qui luttent contre le sombre gang nommé Daesh. Nous nous adossons à ceux qui ne font pas tomber à terre les valeurs de l’être humain à Kobanê, à Grispi [Tell Abyad]. Nous nous adossons à YPG, à YPJ et à PYD. Et nous ne voyons aucun inconvénient à défendre et exprimer cela.”
Désolés pour la pub qui se loge sur la vidéo. Nous refusons les pubs sur Kedistan mais celle-ci se trouve à la source donc inévitable.
Une phrase extraite du discours « Nous sommes adossés au YPJ, YPG, et PYD, et nous ne voyons aucune inconvénient à l’exprimer. » tourne en boucle sur le médias pro-gouvernement ou nationalistes, phrase que les politiques et personnalités anti-HDP interprètent et détournent à l’intention de l’opinion publique comme : « Donc le HDP est adossé au PKK ».
“Opération Sérénité”
L’Etat Major a publié un communiqué pour se féliciter des demandes d’enrôlement et remercier les prétendants : « De nombreux ressortissants ont contacté l’Etat Major pour demander leur enrôlement dans l’armée pour faire leur devoir afin de lutter contre la terreur. (…) Ces demandes d’ enfants sensibles et héroïques de notre nation ont été appréciées par les membres des Forces Armées Turques, les ont émus et motivés. »
Par ailleurs Ahmet Davutoğlu, le Premier Ministre, a déclaré dans un discours que les opérations continueront jusqu’à ce que les armes se taisent et que les groupes armées quittent la Turquie. Il a nommé les interventions “Opérations Sérénité”. Le discours a été prononcé lors d’une rencontre avec des organisations de la société civile (pro-gouvernementales), et le Premier Ministre a conclu avec des applaudissements : « Que Allah ne mette pas cette nation dans des conditions qui nécessitera de faire la concession de sacrifier leurs enfants comme martyres. Mais comme vous, nous sommes prêts à nous sacrifier ainsi que nos enfants pour cette patrie et pour l’avenir. Le Terre entière doit prendre conscience de cette concession. »
Très vite, par dérision, une liste de fils et proches des ministres et autres élus de AKP, qui ont évité le service militaire (obligatoire en Turquie) a été publiée sur les réseaux sociaux : à commencer par Burak le fils de Tayyip Erdoğan, suivi du beau-fils de Ahmet Davutoğlu, le fils du vice-Premier Ministre Bülent Arinç, etc…
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La répression continue contre tous les milieux de la gauche radicale, tous les lieux de contestation du pouvoir de l’AKP, et en particulier les locaux du HDP et d’autres petits partis d’opposition. C’est un “grand nettoyage” avant élections, une déstabilisation à grande échelle dans tout le pays de la vie politique, des moyens d’expression contestataires, sur fond de censure et de désinformation.
Quelques exemples de la situation dans le pays
Un groupe d’ultra-nationalistes a voulu saisir et brûler les dépouilles de membres du PKK à la sortie de l’hôpital. Ceux-ci, abattus par la police, avaient attaqué la Direction de la Sécurité à Pozantı (Adana) . Deux policiers y avaient également perdu la vie .
Le groupe nationaliste avait érigé une barricade sur la route et coupé la circulation. La police, appuyé par l’armée, a dispersé le groupe en utilisant gaz lacrymogène des tirs en l’air.
Une atmosphère électrique a gagné le pays depuis une semaine. Le moindre énervement risque de se transformer en catastrophe.
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Un autre exemple s’est déroulé il y a quelques jours le 29 juillet, dans une commune d’Erzurum, à Aşkale.
150 ouvriers travaillant dans un construction de TOKI (Direction de logements et logement social) avaient été agressés par une foule d’environ 2000 personnes, parce que soupçonnés d’appartenir à la communauté kurde ou de la soutenir.
Une personne qui avait vu une bague siglée PKK portée par un des ouvriers et une dispute avait éclaté. L’altercation s’est élargie très rapidement et la dispute s’est transformé en tentatives de lynchage.
La foule a donc attaqué les ouvriers en disant « Nous ne voulons pas de kurdes à Aşkale ! » tout en scandant des slogans « Les martyrs sont éternels, la patrie est indivisible ! » Un groupe a bloqué la route Erzincan-Erzurum. Un autre a lancé des cailloux à des cars transportant des voyageurs sur la route. Il a été également observé que certains groupes, faisant partie de la foule excitée, s’en prenaient à d’autres, dans la plus grande confusion…
La police et les gendarmes prévenus n’étant pas intervenus, les ouvriers se sont protégés en s’enfermant dans la construction derrière des barricades construits dans la panique et avec les moyens de bord.
A 1h30 du matin, les ouvriers exprimaient leur inquiétude aux journalistes qui avaient réussi à les contacter.
Après 5 heures de chaos et de dangers, la police a pu évacuer les ouvriers du bâtiment, puis de la commune.
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Un exemple parmi d’autres de la façon dont ce climat de divisions entretenues monte des populations les unes contre les autres, sur fond à la fois de nationalisme et de bigoterie AKP, en différents points de la Turquie.
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On peut espérer que le CHP, principal parti laïc, prenne lui aussi la mesure du danger qui pèse sur tous les droits démocratiques, et la possibilité pour Erdogan, de tordre la constitution, en prétextant d’un “état d’urgence”, pour ne pas aller aux élections et prolonger le “gouvernement d’intérim”, tant qu’il ne sera pas sûr de la réussite du chaos intérieur qu’il provoque…
Quand ils sont venus chercher .…. je n’ai rien dit.….. On connaît la suite.
Nous devons soutenir ici la revendication de “paix civile” du HDP, et mentionner sans relâche, que les vrais combattants de Daesh sont au Rojava et à Kobané, le reste n’étant que prétexte à faire disparaître une vraie solution politique populaire à terme aux conflits dans la région qui ne va pas dans le sens de l’OTAN et du gouvernement turc actuel.
Ici en France, alors que le gouvernement et le président Hollande se “félicitent de l’entrée de la Turquie dans la lutte contre Daesh”, sans retenue, et que ce même président va jusqu’à plaisanter devant des journalistes en disant “qu’il ne faut toutefois pas se tromper de cible”, sans davantage de précisions, il va falloir sans relâche informer de ce qui se passe, dénoncer le soutien actif que la France apporte de fait à ce “double jeu” dans la région, aplatie devant les positions de l’Otan et des Etats Unis, et glausant sur les “zones d’accueil possibles de réfugiés”, alors que les frontières ici sont fermées et que la chasse à l’homme continue à l’encontre des migrants de Calais.
A suivre.…